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Le loup gris (Canis lupus)

Rarement un animal a suscité autant de passion, de sentiments divergents que le Loup : craint, adoré, pourchassé, vénéré... Tout chez cet animal, étonne et parfois tourmente. L’exagération comme les idées reçues sont légions. Qualifié à tort de grand prédateur, sa morphologie selon les critères des biologistes en fait un prédateur...moyen. Présenté comme le grand régulateur des ongulés sauvages, il reste un prédateur appliquant les principes de la mortalité compensatoire, sans grand impact, si ce n’est sur les populations de mouflons et sur la répartition des ongulés sur leur territoire. En d’autres termes il prédate jeunes vieux et malades plus qu’il ne régule. Il consomme « la part animale » qui devait mourir dans l’année. C’est l’un des animaux les plus étudiés au monde avec un record de publications scientifiques dédiées. Il enthousiasme certains naturalistes ignorant la bibliographie et revendiquant des découvertes déjà écumées.… Nous parlons du Loup alors qu’il existe des loups avec des capacités et des caractères différents un peu comme chez nous les humains. Une pluralité de personnalités en somme. Les découvertes en éthologie attestent cet élément capital pour de nombreux animaux.

Il reste un animal libre, imprévisible aux capacités physiques étonnantes. Ses voies dans la neige sur des crêtes isolées, balayées de tramontane, rendent sa présence forte. Autant de traces, d’indices glanés sur les sentes qui font souvent battre le cœur plus fort qu’une image issue d’un piège photographique, trophée des temps modernes. L’émotion se vit sur le terrain, dans le chaud comme le froid, sans fard ni outils connectés.

Disparu du massif Pyrénéen dans les années 1920, et de France dans les années 1940 le Loup signe son retour en 1992 dans le parc national du Mercantour : un retour naturel prouvé scientifiquement. Depuis cette espèce favorisée par un environnement redevenu riche en ongulés sauvages, et par son statut d’espèce protégée, se développe au point d’atteindre 1104 individus en 2024. L’Office Français de la Biodiversité (OFB), en charge d’évaluer l’état de conservation et le dénombrement des Loup, a conçu une méthodologie des plus fiables au monde. Le suivi de la reconquête de ses territoires où il avait été éradiqué il y a moins d’un siècle est facilité. La vie est plus forte que tout quand l’humain la ménage.

C’est ici dans la réserve naturelle nationale de Nohèdes et dans le massif du Madres qu’à la fin des années 1990, le Loup a fait son retour pour la première fois dans le massif pyrénéen. Un retour spectaculaire, tant il n’était pas attendu. Il a surpris tout le monde : rien n’était en place en terme de suivi technique comme au niveau de l’organisation pastorale. Ministères, biologistes de terrain comme bergers et éleveurs ont été étonnés d’apprendre en 1999 la certitude de la présence du Loup dans ce massif isolé et protégé. Ainsi de 1998 à 2000 au moins un Loup a fréquenté la zone. Depuis près de 25 ans le loup occupe le massif du Madres-Bouchevilles avec plus ou moins de régularité. Le territoire du Loup (autour de 100 000 ha en moyenne) dépasse le cadre étroit de la surface de la RNN de Nohèdes et ses 2 137 ha. Régulièrement des indices de présence sont détectés sur des cols et corridors découverts il y a plus de 20 ans. Les différents loups qui ont occupé le massif utilisent les mêmes chemins et passages : des corridors. Avec la cruelle disparition du manteau neigeux, quand le chaud avale la poudreuse dans la nuit, il reste les pièges photographiques pour détecter cet animal aussi discret qu’en faible densité. Ils assument une veille de jour comme de nuit. Pour l’instant seuls des individus mâles de souche italo-alpines ont été détectés sur les Pyrénées orientales. Toutefois depuis 2022, les premières louves sont nées dans le massif central, renforçant la probabilité de leur arrivée. Une situation prévisible qui renforce la nécessité de travailler avec le monde pastoral pour renforcer la protection des troupeaux.